Xylographies
Graver le bois, braver sa rudesse, s'accomoder des imperfections, s'émerveiller sur la texture de ses impressions, imprimer les blocs, et les graver encore, éliminant pour toujours les possibilités de revenir en arrière, laissant les couleurs se superposer, et vibrer.
Les inspirations sont spontanées, tout comme le dessin à l'encre en direct sur la surface vierge de la plaque à graver. Elles arrivent comme des visions, nourries par des sensations éprouvées, un imaginaire collectif, les mythes, et l'art des sorciers d'un autre temps. L'image se révèle, peu à peu, souvent comme une évidence. Mais cet explicite a cependant le secret désir de résonner avec des mystères non formulés, et des histoires à poursuivre...
A propos de gravure sur bois
(...)"Car ces moyens rudimentaires d’expression firent justement que, dès l’abord, la gravure sur bois s’adressa directement aux simples ; le premier livre occidental qu’elle illustre est la Bible des pauvres ; le maître qui personnifie l’art du bois gravé en Extrême-Orient, Hokusaï, fut le peintre des humbles. À l’encontre de sa rivale, la gravure en creux sur métal, qui intéresse surtout les lettrés et plaît aux raffinés par la complexité de ses effets, la xylographie n’a d’autre moyen d’expression que la franchise ; ici pas d’entre-croisements de tailles se superposant à l’infini, pas de tours de main d’encrage au chiffon, noyant la surface sous des demi-teintes fuligineuses et escamotant les formes.
Le grand intérêt de la gravure sur bois est d’être une synthèse ; les artistes qui la pratiquèrent ont dû éliminer tout ce qui ne concourt pas directement à l’expression linéaire. Il leur a fallu styliser et ne garder que l’essentiel dans leurs compositions ; et c’est ce parti pris, nécessité par la difficulté d’œuvrer les fibres rebelles du bloc générateur, qui donne à ces estampes leur grand caractère. Des lignes calligraphiées, quelques aplats et des tailles parallèles franchement écrites sur le fond immaculé du papier de chiffe suffisent au tailleur de formes pour suggérer la nature entière et nous transporter aux pays légendaires.
L’imagination supplée aux lacunes de la technique, et vagabonde entre les tailles."
Maurice Busset, La technique moderne du bois gravé et les procédés anciens des xylographes du XVIe siècle et des maîtres graveurs japonais, recueillis et mis à la portée des artistes et des amateurs, Librairie Delagrave, 1925, pages 7 et 8