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ALICES AND GRETAS 2.jpg

Invitation, pointe sèche sur plexiglas, couverture du livre "Alices & Gretas", 2017. MS 

En relief & en creux

 

J'habite depuis deux ans avec une gravure de Marion Semple. Cette image m'apporte ce que le miroir procure quand il se fait réassurant. "Oui, tu es de ce monde, n'aie pas peur de te mouvoir ainsi". Ce pourrait être le Chaperon rouge une décennie plus loin. Une figure prise dans l'oeil du cyclone, entourée d'un halo de lumière. Qu'elle quitte, un pied sur la première vague des ténèbres. L'estampe a pris place sur ma table de nuit, sur mon bureau, sur mon plan d'écriture. Me faisant signe plus d'une fois. Posture récurrente d'une oeuvre à d'autres, la tête s'incline, de pensées. Pour la première fois, l'ombre de la figurine me semble emprunter une direction inverse à celle du corps qui se meut et vient vers nous. Il est des peuples dont le futur, inconnu, se situe dans leur dos, tandis que le passé parcouru peut se contempler. Des semblants d'encoches aux quatre angles. Comme s'il s'agissait d'une photographie insérée dans un vieil album. Marion Semple met en abîme positif et négatif, elle anamorphose les clichés, isole, réassemble. Leur redonne corps, perpétuant les gestes des graveurs, gaufrant le papier, laissant l'encre en relief.

 

Tenter d'apprivoiser sa doublure pour que plus jamais ne se subisse l'imposture.

Hanter Alice miroir Narcisse reflet Androgyne diviser Dom Juan confusion Frankenstein redoublement Dr Jekyll et Mister Hyde dupliquer Dorian Gray réplique Pygmalion multiplier Prométhée primauté Faust doublage Batman plagiat Spiderman faussaire Janus différencier Echo mise en abîme Doppelgänger relier.

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L'image inouïe advient du jeu. Scission en elle. De l'amour, du douloureux. Des personnages, possibles récits. Une constellation de figures se déploie à chaque passage sous presse. La couleur s'impose, elle est matière. Le féminin, en maître. Nulle soumission aux effets de mode. Répondre, en quête, à la nécessité qui s'impose dans le trouble de son double vacuité. Un îlot miraculeusement préservé au milieu d'une vie, comme ses semblables, agitée. La recherche du je qui est autre; de l'autre qui est je. Elles portent des robes de solitudes, se dressent sur les talons aiguille de l'incertitude. Elles sont mythologies. Officielles, officieuses. Egarées dans une page qui les protège. Incarnées par incision. Saillantes ou en creux. Pensive inquiétude. Embraser le monde, l'horloge. A jamais épinglée au coeur du conte. Violence, attachement, morcellement. Unicité de nature fragmentée. Par les heures, ceux qui donnent la réplique, les vagues internes. Elles ne délivreront aucun phonème. Leur secret se tient ailleurs. Dans les détails de la discrétion. Dans les postures qui taisent ou savent tout ce que des décennies généalogiques ont refusé de délivrer. L'avenir inversera les intentions quelle que soit la concentration. 

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Des serpents rôdent. Alliés. Il est des océans dans lesquels ne pas se noyer. Des années à embrasser. D'impossibles reflets, des échos perdus à jamais. Des communions dans le sable gravées. 

 

Blandine Devers, pour Marion Semple 

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